Cadre de référence

Diversité et équité 

De l’intégration à l’inclusion

Depuis les années 60, nombreuses sont les initiatives québécoises de démocratisation de l’éducation comme en témoignent les  politiques, les lois et les règles visant l’égalité des chances. Avec la Charte des droits, la Loi 101, les pactes et les conventions internationales, la Loi sur l’instruction publique, la Politique de 1998, la Réforme et le renouveau pédagogique , le référentiel de compétences de 2001, beaucoup d’efforts ont été faits pour mieux connaître les besoins des élèves et les obstacles environnementaux. Il faut rappeler que dans un contexte d’intégration, l’État offre une prise en charge pour que les personnes handicapées puissent recevoir une éducation égale aux autres; l’inclusion crée plutôt un environnement équitable dans lequel la personne en situation de handicap peut avoir une liberté de choix, tout en recevant l’aide nécessaire pour réaliser ses aspirations.

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La notion d’égalité  correspond dans le contexte d’éducation, à l’utilisation par les élèves des mêmes moyens, à avoir accès aux mêmes évaluations et au même enseignement. La notion d’équité, quant à elle, permet de tenir davantage  compte des besoins diversifiés en différenciant la pédagogie et les stratégies d’apprentissages.

De l’inclusion à l’accessibilité universelle

Dans l’opinion populaire, la recherche d’équité et l’accessibilité universelle concernent, en tout premier lieu, les élèves HDAA. On peut y voir un révélateur et de bons exemples d’un désir d’inclusion  de toute la diversité des élèves, comme par exemple, ceux issus de l’immigration, ceux dont la langue maternelle n’est pas le français et ceux issus de milieux socioéconomiques défavorisés . En effet, si les enseignants et les intervenants scolaires sont tous interpellés par l’équité pour les EHDAA, les efforts consentis et les effets de cette recherche d’équité, s’avèrent, dans la pratique, utiles pour plusieurs. Prenons l’exemple de la fonction d’aide « écriture vocale (reconnaissance ou dictée vocale) ». Elle permet de convertir la voix en texte écrit sous un format exploitable numériquement (Tremblay et Chouinard, 2013). En compensant des difficultés liées à l’écrit, il est indéniable que cette fonction d’aide peut servir à l’élève ayant une dyslexie, mais elle peut aussi être utilisée pour des élèves ayant un trouble moteur ou pour ceux dont la langue maternelle n’est pas le français. Ces derniers, sans avoir un plan d’intervention, pourraient bénéficier des soutiens disponibles pour optimiser leur accès à l’écrit. L’égalité des chances de même que l’accessibilité universelle et numérique concernent donc la totalité des élèves.

C’est d’ailleurs au rétablissement, voire à l’établissement d’une plus grande justice sociale, que conviait le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur dans sa nouvelle Politique de la réussite éducative (MEES, 2017) Avis du conseil supérieur à l’éducation d’Octobre 2017. Cette politique propose en effet 

« Des milieux éducatifs inclusifs, centrés sur la réussite de toutes et de tous, soutenus par leur communauté, qui, ensemble, forment des citoyennes et des citoyens compétents, créatifs, responsables, ouverts à la diversité et pleinement engagés dans la vie sociale, culturelle et économique du Québec » (p. 26).

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L’accessibilité universelle est par ailleurs, enchâssée dans un cadre légal qui s’appuie sur la Charte des droits et libertés, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, sur le Standard gouvernemental québécois sur les ressources informationnelles (SGQRI008-2.0), la Politique de l’adaptation scolaire et la Loi de l’instruction publique.
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L’accessibilité universelle et les fonctions d’aide
Selon Gagnon et coll. (École Branchée, MARS 2019), les fonctions d’aide, leurs aspects techniques et leur intégration dans les stratégies de lecture et d’écriture, doivent être enseignées explicitement en classe par les enseignants. Elles seront utiles pour certains élèves en situation d’évaluation et pour tous en situation d’apprentissage. Dans le même numéro de la revue École Branchée, Fauteux et Émond soulignent l’importance des fonctions d’aide « recherche de définitions par dictionnaire numérique, représentation visuelle d’un mot, recherche de cooccurrences, accès au champ lexical du mot et objectivation d’un texte par nuage de mots » pour l’enrichissement du vocabulaire.

 

L’accessibilité universelle, la conception universelle de l’apprentissage (CUA), et la conception universelle en éducation (CUE)
Dès les années 90, des architectes, des ingénieurs, des designers et des chercheurs, ont élaboré les principes de diversité et d’inclusion de l’Universal Design (UD) que voici. Ces principes suivent la définition de l’UD provenant du Center for Universal Design (CUD) de l’Université d’État de la Caroline du Nord : “the design of products and environments to be usable by all people, to the greatest extent possible, without the need for adaptation or specialized design” (Story, Mueller, & Mace, 1998).
1.   Équitable. Ex. Affichage de poste en formats accessibles pour la diversité (âge, situation de handicap, provenance ethnique, culture, conditions socioéconomiques, etc.)
2.   Flexible. Ex. Les informations, dans un musée par exemple, sont de formats variés (audio, écrit, numérique, etc.) pour répondre aux préférences de tous.
3.   Simple et intuitif. Ex. Un test est présenté de façon intelligible, peu importe les connaissances, le niveau de langue, la capacité de concentration de la personne.
4.   Information perceptible. Ex. Un système d’alarme dans un édifice est aussi bien présenté de façon auditive, visuelle, que kinesthésique.
5.   Tolérance à l’erreur. Ex. Un outil informatique qui guide et soutient la personne s’il arrive qu’elle fasse une mauvaise sélection, une action accidentelle et non souhaitable.
6.   Efforts physiques minimaux. Ex. Outils numériques dessinés pour faciliter l’utilisation sans trop de fatigue, autant dans l’utilisation de boutons que de fonctions.
 7.   Prise en compte de l’espace et de l’environnement. Ex. Aménagement des mobiliers et de leur emplacement, pour permettre le confort peu importe les caractéristiques physiques de la personne. (The Center for Universal Design, 1997

L’environnement pédagogique et technologique (RÉN accessible et aides technologiques) sont de plus en plus accessibles et inclusifs, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. La conception universelle de l’apprentissage (CUA) et la conception universelle en éducation (CUE) prennent de plus en plus d’importance et sont de plus en plus répandues. Elles assurent avec « la flexibilité, l’adaptation et la modification », une approche plus inclusive. La première est une conception ancrée dans le processus d’apprentissage. Elle est basée sur la réponse aux besoins de la diversité des façons d’apprendre. Elle reconnaît et respecte l’hétérogénéité des groupes-classe. La CUA est basée sur le rôle spécifique (acquisition, engagement, intégration) de trois zones du cerveau dans l’apprentissage. Elle propose par conséquent aux apprenants, diverses façons d’avoir accès à la matière pour bien l’acquérir (papier, numérique, audiovisuel, technologie, etc.); de s’impliquer et de s’engager dans le groupe (communauté d’apprenants, soutien par les pairs, etc.) et aussi de rendre compte de l’intégration des apprentissages (par le biais du texte argumentatif, de l’exposé oral, du schéma, etc.). Tous bénéficient donc de chances égales pour démontrer leur atteinte des objectifs du cours. 

Quant à la CUE, elle prend racine et s’appuie sur les approches d’enseignement.  Elle considère l’offre habituelle de services éducatifs, de technologie et de cours traditionnels comme applicables à un éventail restreint de caractéristiques d’apprenants alors qu’en fait, ils sont très diversifiés. Elle vise l’inclusion réussie de personnes ayant un trouble, une différence fonctionnelle et des caractéristiques spécifiques de genre, de provenance, de culture et de styles d’apprentissage. Pour atteindre cet objectif, la CUE  propose la réduction des barrières dans l’environnement éducatif que ce soit, dans la classe en rendant l’environnement et les outils matériels et numériques accessibles; dans l’école en faisant la promotion d’un environnement éducatif inclusif; dans le réseau en mettant en oeuvre des communautés de pratique réunissant enseignants et professionnels. La CUE offre aussi des occasions et des lieux pour que chaque apprenant s’engage dans son processus d’apprentissage, se responsabilise et puisse entretenir des liens actifs et collaboratifs (ex. partage d’expériences) avec les autres étudiants (ex. tutorat par les pairs) et tous les acteurs (ex. mentorat) du milieu. Issu du domaine de l’architecture, puis des produits commerciaux et des technologies de l’information, le cadre philosophique de la CUE trouve des applications dans le numérique, les laboratoires, les cursus des programmes, les bibliothèques, l’admission, les organisations professionnelles, les résidences étudiantes, les sites Web et les services aux étudiants. 

 

La CUA et la CUE reposent,en outre, sur l’autonomie des apprenants et visent globalement la compétence « apprendre à apprendre ». L’univers éducatif et les apprenants, à l’instar de la vie et de la société, sont complexes, instables, changeants et souvent imprévisibles. Ils s’adapteront mieux s’ils ont appris à apprendre.
Les deux conceptions valorisent la diversité, l’équité, l’inclusion, l’égalité et la réussite pour tous. Elles demandent, dans le respect des objectifs de formation et de l’hétérogénéité cognitive des groupes, de recourir à des approches collectives flexibles et d’adopter des stratégies inclusives rejoignant tous les élèves.

 

L’accessibilité universelle par la différenciation pédagogique
Bien qu’elle soit en constante évolution, l’élaboration des principes de la différenciation pédagogique, datent de plusieurs années. Déjà en 1971, Legrand définissait la différenciation pédagogique comme « un effort de diversification méthodologique susceptible de répondre à la diversité des élèves ». Elle répond à certains principes de base dans tous les actes pédagogiques, que les médiums soient traditionnels ou numériques:

1.   Présentation des contenus : diversité des modes de communication
2.   Modalités d’évaluation : écrite, orale, imagée ou gestuelle, numérique
3.   Activités : emploi du temps, lieux des activités, supports utilisés, mode de regroupement en équipe
4.   Modalités de soutien : tutorat, collaboration entre élèves, aide au travail personnel
5.   Interactions : échanges et collaboration pour confronter différentes conceptions et représentations mentales chez les élèves
6.   Évaluation formative et explicitation des stratégies de métacognition.

Plus récemment, des mises en garde ont été faites sur le fait que les accommodements, les allègements, les modalités entourant le respect des rythmes d’apprentissage, ainsi que l’enseignement personnalisé, ne constituent pas ce qu’on identifie comme de la différenciation pédagogique. En effet, la pédagogie différenciée propose un rythme standard tout en offrant des modalités et du soutien pouvant répondre au plus grand nombre d’élèves. 

Les études, recherches et applications étayent les bases scientifiques d’une telle approche. D’ailleurs, l’Acfas, consacre régulièrement des colloques à cele sujet. 

La différenciation se fait à partir d’un matériel commun à tous les élèves pour lequel l’enseignant peut fournir diverses possibilités d’accès  selon les besoins particuliers des élèves. Prenons par exemple, la lecture d’un roman qui est exigé à tous les élèves d’une même classe, mais pour lequel la technologie de numérisation et les fonctions d’aide offrent des modalités différentes. Par conséquent, avec les fonctions d’aide, le livre numérique devient accessible et utilisable pour tous les élèves. Elle a l’avantage de pouvoir être utilisée par des élèves qui n’ont pas de trouble visuel ou d’apprentissage, mais qui éprouvent des difficultés en lecture.

Cette différenciation est à la base de l’inclusion. D’autres attitudes éducatives peuvent la favoriser:
1.   Miser sur les forces plutôt que sur les limites des élèves;
2.   Encourager l’acceptation et la cohésion;
3.   Valoriser la progression et le cheminement plutôt que la réussite académique individuelle;
4.   Mettre de l’avant l’utilisation des fonctions d’aide;
5.   Reconnaître la richesse de la diversité en classe avec tout ce que cela apporte à l’ensemble des élèves.

 

L’accessibilité universelle par le numérique
Devant le défi à relever pour une meilleure accessibilité et une société réellement inclusive à l’ère du numérique, la vision systémique s’avère une des clés maîtresse. Chacun des acteurs a un rôle à jouer pour éliminer les obstacles dans le cheminement vers l’approche « expérience utilisateur » dans le plus grand respect des normes d’accessibilité du Web et du numérique. Plusieurs mythes sont à déconstruire et des collaborations sont à mettre en place pour assurer l’inclusion efficiente de tous les élèves, qu’ils soient en situation de besoin ou qu’ils vivent une autre forme de différence. La conceptualisation des fonctions d’aide est une autre clé de l’accessibilité numérique, autant au primaire qu’au secondaire et au postsecondaire. 

 

Conclusion
Le développement d’une culture de l’accessibilité universelle en éducation est un incontournable,notamment pour le docteur Madaheo Sukhai (2018), qui prône la prise en compte de l’expérience utilisateur de l’élève ainsi que le questionnement sur la façon  d’enseigner un concept X d’une telle façon définie. Trop souvent, selon Sukhai, les enseignants se basent sur l’habitude et ne questionnent ni sur  leur approche, ni sur leur contenu. Cette habitude risque de freiner l’évolution vers une culture de l’accessibilité universelle, mais selon Sukhai (2019) force,en contrepartie, les étudiants à transcender les barrières (technologies, finances, attitudes, préjugés, croyances, etc.) pour accomplir leurs rêves et leurs aspirations.

La réussite de l’inclusion et de l’accessibilité universelle reposent en outre, sur la collaboration, la communication et l’entraide entre les enseignants, les professionnels non enseignants, les parents et les directions, bref, autant de décideur que de praticien. Elles sont aussi tributaires de l’environnement, c’est à dire de l’ambiance qui règne dans la classe en terme d’acceptation, de respect, de compréhension et de collaboration entre enseignants et élèves autant qu’entre les élèves eux-mêmes.

 

Sources :
https://www.usherbrooke.ca/ssf/veille/perspectives-ssf/numeros-precedents/decembre-2015/le-fin-mot-differenciation-pedagogique/ site visité le 23 février 2019
Legrand, Louis, La différenciation pédagogique, Scarabée, CEMEA, Paris, 1984, cité dans « Différenciation pédagogique », Wikipédia, dernière mise à jour : 7 novembre 2015

https://journalmetro.com/actualites/national/1216587/un-avis-du-cse-pour-inclure-tous-les-eleves/

https://rire.ctreq.qc.ca/2016/07/linclusion-scolaire/

https://ecolebranchee.com/produit/education-inclusive-2019-v21hs/

https://www.capres.ca/dossiers/la-conception-universelle-de-lapprentissage-cua/

https://www.washington.edu/doit/learning-disabilities

https://www.washington.edu/doit/universal-design-process-principles-and-applications

https://www.aaas.org/mahadeo-sukhai-challenges-norms-scientists-disabilities

https://www.neads.ca/en/about/projects/stem/stem_profile_Sukhai.php